Les livres de l’Histoire 📖
La RĂ©volution française et la violence, "une logique infernale"Â
[HervĂ© Luxardo, Ă©ditions Clefs Pour l'Histoire de France 2023, 215 p.]Â
La France et son Histoire, une succession d’évènements glorieux et d’autres plus sombres. Ă€ chaque pĂ©riode, son lot de paix, de sĂ©rĂ©nitĂ© ainsi que de guerre, de rĂ©volte et de violence.Â
La RĂ©volution française n’y Ă©chappe pas, c’est ce que vous propose de comprendre ce livre d’HervĂ© Luxardo.Â
La IIIème RĂ©publique a fait de la RĂ©volution un roman national pour rĂ©unir le peuple autour d’une cause commune. Une RĂ©publique symbole de la libertĂ©, de la fin de la monarchie et de ses privilèges, de l’égalitĂ© entre tous et toutes. Ce roman national Ă©tait-il prĂŞt Ă justifier la violence, toute la violence?Â
HervĂ© Luxardo, historien spĂ©cialiste de la pĂ©riode , propose un rĂ©cit prĂ©cis qui nous plonge dans le quotidien des rĂ©volutionnaires et, aux yeux de ces derniers, des ennemis de la RĂ©volution. La violence est partout. JustifiĂ©e pour un regard, une impression, une cocarde manquante ou encore un patriotisme qui est considĂ© comme modĂ©rĂ©.Â
Grâce Ă un travail de recherche important, l'auteur Ă©voque des faits qui permettent de mieux comprendre les rĂ©voltes en VendĂ©e, en Bretagne ou encore en Provence. Car oui des nuances sont Ă apporter dans le mouvement contestataire. Les rĂ©volutionnaires opposĂ©s aux contre-rĂ©volutionnaires , le bien qui est opposĂ© au mal !? Non, ce ne fut pas aussi manichĂ©en que ça. L'auteur l'explique bien.Â
La Révolution française fait basculer la France, l'Europe et l'Histoire dans une nouvelle ère. Elle marque les générations futures avec la philosophie des Lumières, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ou encore la création des départements. Cependant, ce livre permet de comprendre, qu'on ne peut pas lui retirer sa violence. Celle-ci n'est certes pas née à l'été 1789 mais elle en a été un outil important, un moyen légitimé pour faire accepter le changement. Un outil ancré dans les pratiques contestataires...
Bonne lecture !Â
JĂ©rĂ©my HuriauxÂ
Les procès de MoscouÂ
[Nicolas Werth, Ă©ditions Les Belles Lettres 2023, 13€90, 220 p.]Â
La caricature en couverture est éloquente, elle est d’ailleurs souvent utilisée dans les manuels scolaires pour illustrer la partie du programme scolaire consacrée à la Grande Terreur Stalinienne. On y voit le dictateur fier, trônant au milieu d’un aéropage décapité. Ces hommes, assassinés à sa demande, étaient pourtant, pour une grande partie d’entre eux, considérés comme des héros de la révolution bolchévique, fidèles compagnons de Lénine.
Pour se débarrasser de ceux qui pouvaient lui faire de l’ombre, « le Petit Père des peuples » fit organiser trois grands procès qui eurent lieu à Moscou entre 1936 et 1938. Largement médiatisés, ils mirent en scène une parodie de justice pendant laquelle ces accusés avouèrent, avec encore plus de force qu’on ne leur en demandait, des crimes qu’ils n’avaient pas commis. Jetés ainsi à l’opprobre populaire, ils furent condamnés à mort par une justice d’un peuple, convaincu lui-même qu’il s’agissait là de comploteurs et de saboteurs qui mettaient tout en œuvre pour saper la belle politique égalitaire constitutive du projet stalinien. Violemment pris à parti par le procureur général, abasourdis par les accusations, soumis en secret à des pressions morales et physiques, et tenus au respect par la prise en otage de leur famille ou par la promesse qu’on leur avait faite de retrouver la liberté en échange d’aveux, cette quinzaine de victimes des grandes purges staliniennes furent condamnées à mort et immédiatement exécutée.
Car il ne fallait surtout pas qu’ils puissent user de leur droit de faire appel ou prouver leur innocence, sans quoi ils auraient pu porter des coups à un régime déjà en proie aux pires difficultés économiques. Le communisme, l’industrialisation à tout prix, la collectivisation forcée affaiblissaient un pays exsangue et il fallait, pour Staline, cacher ses propres responsabilités dans la faillite d’un système dont on annonçait tant de belles promesses et qui ne fonctionnait pas. Alors quoi de mieux que d’organiser cette mascarade politique pour détourner l’attention des masses et faire croire qu’on réglait le problème en s’en prenant à tous ceux qui s’acharnaient à détruire le projet d’un avenir radieux sous les hospices du communisme guidé par le « Grand Timonier ».
A l’aide de nouvelles archives récemment déclassifiées, de l’étude d’articles de la presse soviétique (Pravda) et étrangère (en particulier française), de correspondances entre Staline et ses collaborateurs proches et de comptes-rendus d’assemblées et réunions, Nicolas Werth, spécialiste de l’histoire du communisme et de l’URSS, dévoile tout ce qu’il y a derrière ces procès et répond aux questions que chacun se pose devant l’énormité des évènements commis entre 1936 et 1938 : qui a tiré les ficelles ? Pourquoi ? Quel en fut le retentissement international ? Comment les communistes du monde entier justifièrent ou non ces crimes ? Quand découvrit-on la réalité et qu’en fit-on ?
Un petit ouvrage efficace qui va droit à l’essentiel, nouvelle édition augmentée d’annexes très intéressantes, dont les lettres de Boukharine à Staline.
Romain BlandreÂ
OpĂ©ration MincemeatÂ
[Ben Macintyre, Ă©ditions Pocket, 2022, 9€20, 504 p.]Â
Quand on pense guerre, on évoque facilement stratégie, combat, opération, unité, soldat, blessure, mort, et bien d'autres. Cependant la guerre c'est aussi guerre de communication, lutte des mots et désinformation.
Espionnage et contre-espionnage sont tout aussi importants que l'armée de terre, l'armée de l'air et la marine.
Ben Macintyre le raconte bien dans cet ouvrage . L'opération Mincemeat est une des œuvres de désinformation militaire parmi les plus ambitieuses du second conflit mondial. Sans elle, la reconquête de l'Europe n'aurait pas été possible ou, tout au moins, reportée.
L'auteur fourni un récit très détaillé. Certes parfois un peu longuet avec le risque de décrocher. Cependant, à chaque chapitre le rebondissement arrive à point nommé pour se plonger de nouveau dans les méandres de l'Histoire.
Finalement, cette extrême précision est à apprécier pour son utilité à comprendre un pan important de 1939-1945.
Bonne lecture !
JĂ©rĂ©my HuriauxÂ
România, un avant-guerreÂ
[Julien Monange, Ă©ditions Lemme Edit, 2022, 14€, 160 p.]Â
L’auteur nous emmène dans les Balkans, cette poudrière historique.
RĂ´mania est le rĂ©cit de la gĂ©nèse d’une stratĂ©gie militaire, d’un plan d’action qui doivent faire face Ă une menace hybride. Ă€ la fois nouvelle, au regard des derniers combats menĂ©s notamment dans le Sahel face Ă la guĂ©rilla imposĂ©e par les groupes djihadistes. Et, qui n’est finalement pas si diffĂ©rente sur le plan historique des guerres du siècle dernier, car elle prĂ©voit l’affrontement de deux blocs. Alors que le conflit en Ukraine sĂ©vit depuis un an, la lecture de ce livre fournit un Ă©clairage sur la prĂ©paration Ă la guerre que les militaires français, europĂ©ens et de l’OTAN savaient, mĂŞme sans se l’avouer, inĂ©luctable Ă l’Est.Â
Julien Monange poĂ©tise le rĂ©cit. Ce qui permet de s’évader totalement des plaines jusqu’aux bords de la mer noire. Non pour en rĂ©duire la gravitĂ© de la situation mais pour mieux s’approprier l’esprit et la culture roumaine.Â
Historiquement, gĂ©opolitiquement,militairement, poĂ©tiquement et philosophiquement. România permet de voyager et de comprendre.Â
Bonne lecture !Â
JĂ©rĂ©my HuriauxÂ